Межкультурные коммуникации. Proverbes

МОСКОВСКИЙ ПЕДАГОГИЧЕСКИЙ ГОСУДАРСТВЕННЫЙ УНИВЕРСИТЕТ
Реферат по предмету «Межкультурные коммуникации»
на тему: «Proverbes»
Работу выполнила студентка гр.305
Романо-германского отделения
Факультета иностранных языков
Старыгина М.Д.
Руководитель: Драпей Н.В.
Москва, 2004 год
Dйfinition et fonction dans la sociйtй.
Le proverbe, la maxime et la devise sont des йnoncйs normatifs
lapidaires, fortement rythmйs et souvent imagйs, de longue durйe de
fonctionnement.
Ce qui distingue la maxime des deux autres genres est
l’individualisme. Alors que le proverbe est puisй а un fonds commun de
sagesse reprйsentant la tradition, la maxime est une vйritй йcrite dont un
auteur prend la responsabilitй. Elle est critique, incisive et volontiers
ironique. Le proverbe ne fait que rйpйter la doxa, alors que la maxime la
remet en cause ou en ruine les assises. Mais il ne s’agit pas seulement
d’apporter une vision nouvelle : la maxime est un apophtegme qui a ambition
de proverbe, elle est destinйe а passer dans l’usage. La structure
rythmique de la maxime a une double fonction : mnйmonique et incantatoire.
Un йnoncй bien frappй s’imprime aisйment dans la mйmoire et crйe le besoin
de se faire rйpйter. Les maximes d’excellente facture ont une stabilitй qui
leur permet de passer а travers le temps.
Le proverbe est une courte maxime entrйe dans l’usage courant. Du
point de vue formel, il se distingue souvent par le caractиre archaпque de
sa construction grammaticale : par l’absence d’article, par l’absence de
l’antйcйdent, par la non-observation de l’ordre conventionnel des mots. La
structure rythmique du proverbe est souvent binaire. On y trouve
l’opposition de deux propositions ou de deux groupes de mots а l’intйrieur
de la proposition. La rime ou l’assonance vient parfois souligner
l’opposition. Cette structure est souvent renforcйe par l’utilisation
d’oppositions sur le plan lexical : la rйpйtition des mots, la mise en
prйsence syntagmatique de couples oppositionnels de mots. Les traits
spйcifiques du proverbe en franзais sont l’emploi du cas-sujet et du cas-
rйgime dans les expressions nominales, la prйsence de complйments
dйterminatifs, l’ellipse des relatifs, les consйcutives nйgatives, les
relatives au subjonctif, l’infinitif substantivй ou servant de thиme dans
une phrase а prйdicat, la conjonction de coordination et introduisant une
principale, les phrases nominales et les constructions chiasmatiques.
La formulation archaпsante des proverbes renvoie а un passй non
dйterminй, leur confиre une sorte d’autoritй qui relиve de la sagesse des
anciens. Le caractиre archaпque des proverbes constitue une mise hors du
temps des significations qu’ils contiennent. Le prйsent employй est le
temps anhistorique qui aide а йnoncer, sous forme de simples constatations,
des vйritйs йternelles. L’impйratif, en instituant une rйglementation hors
du temps, assure la permanence d’un ordre moral sans variations.
La devise est une injonction rйflexive exprimant un idйal. Mais la
norme qui la fonde n’est pas, comme dans la maxime et le proverbe,
gйnйrale. Elle ne concerne qu’un individu, une famille, une nation.
La terre d’йlection des trois genres est le discours argumentatif.
Le proverbe, la devise et la maxime sont un moyen facile de communication
avec l’auditoire. Ils constituent des messages dont la source originelle
est inconnue ou voilйe. Devenus a-contextuels, vides, ces faits йnonciatifs
s’offrent comme le lieu idйal de l’insertion de nouvelles instances
йmettrices qui, les manipulant а leur guise, en assument provisoirement la
responsabilitй. Ceci explique leur forte charge idйologique et leur
fonctionnement comme signes univoques, mono-isotopiques, propriйtйs qui les
rendent utiles lorsqu’il s’agit d’йtablir un consensus rapide entre
idiolectes.
Dans la langue parlйe, ils se distinguent de l’ensemble de la chaоne
par le changement d’intonation : le locuteur abandonne momentanйment sa
voix et en emprunte une autre pour profйrer un segment de la parole qui ne
lui appartient pas en propre, qu’il ne fait que citer. C’est donc l’йlйment
d’un code particulier, intercalй а l’intйrieur de messages йchangйs.
Origines et postйritй.
Origines.
1) Origines du proverbe.
– Les civilisations archaпques et prй-chrйtiennes (au Moyen-Orient, en
Asie, en Europe) vйhiculaient des proverbes. Chez les Sumйriens et les
Йgyptiens (les deux plus anciennes civilisations connues par l’йcriture),
les proverbes йtaient rassemblйs en collections, а emploi sans doute
pйdagogique. Ils ont circulй dans tout le Proche-Orient. Les Grecs et les
Latins sont redevables de nombreux proverbes au Proche-Orient ancien. – Le proverbe peut кtre rapprochй des lois et des textes religieux (ex. le
Livre des Proverbes). Mais le mot hйbreu traduit “proverbe” (Meshalim)
signifie plutфt poиme et dйsigne en fait un exposй de morale religieuse, vs
les proverbes populaires dont le ton apparemment pйremptoire est toujours
tempйrй par l’humour, et dont les mйtaphores йnigmatiques renvoient а
l’ambiguпtй du rйel.
– Civilisation grйco-romaine. Lien entre le proverbe et les autres genres
de la littйrature orale. Trиs souvent, dans les fables d’Йsope, le rйcit
s’achиve par une formule lapidaire qui rйsume l’histoire et propose une
moralitй. Cette formule peut prendre son indйpendance, l’image surprenante
renvoie а une histoire connue de tous et qu’il n’est pas besoin de
rappeler. – Pour les auteurs antiques (Aristote, Sophocle, Thйophraste, Quintilien,
Cicйron), le proverbe exprime un concept vrai. L’idйe de la vйritй
renfermйe et exprimйe par le proverbe est acceptйe par les rhйteurs, qui en
font la base de l’auctoritas du proverbe dans le discours. Le proverbe est
un йlйment utile dans la vie, parce qu’il donne des conseils reconnus
vrais, qui servent le long de la voie-vie de l’homme. Il est aussi dйfini
comme un discours obscur. Il doit attirer l’attention et inspirer le
respect. Il renvoie а une vйritй commune et reconnue par tout le monde. Il
est le point d’insertion, dans le discours, du savoir commun de la
collectivitй ; par lа lui est confйrй l’auctoritas, parce qu’il n’est pas
liй aux idйes particuliиres de celui qui l’exprime. Tйmoignage-assertion,
reconnu juste et vйridique а cause de son caractиre d’antiquitй,
incorruptible et impйrissable. – Les proverbes grecs anciens. Les proverbes constituent le domaine
privilйgiй de la phrase nominale. – Les proverbes latins. Ils pouvaient se prйsenter sous forme de phrases
complexes (Quem di diligunt Adulescens moritur, dum ualet, sentit, sapit :
Quand on est aimй des dieux, on meurt jeune, dans toute sa force, dans tous
ses sens et dans tout son bon sens). Les procйdйs les plus frйquents :
l’allitйration, la briиvetй, l’ellipse, la rйpйtition de mots, l’assonance,
le raccourci d’expression, la prйsentation en proposition infinitive.
– Pline, Sйnиque, Quintilien, Lucrиre, Virgile, Horace : par leur souci de
concision et leurs recherches stylistiques, recrйent ou crйent des
expressions proverbiales. Ainsi se constitue un trйsor de proverbes,
d’origine gйnйralement populaire, mais souvent aussi rййlaborйs par la
culture savante.
– Les Dits de Salomon et de Marcoul. Recueil qui attribue а la sagesse
lйgendaire du roi Salomon un dialogue en proverbes rimйs, circule depuis le
Xe siиcle en Europe, d’abord en latin puis, vers la fin du XIIIe siиcle en
franзais.
– XIIe et XIIIe siиcles. Le proverbe est alors un “йnoncй а caractиre
universel” empruntй aux philosophes et sages de l’Antiquitй ou а la sagesse
dite populaire. Les thйoriciens lui prкtent une qualitй particuliиre : un
caractиre mйtaphorique ou allйgorique qui permet de l’adapter au contexte,
surtout dans l’exorde et la conclusion.
– Les proverbes sont omniprйsents dans la culture du Moyen Age. Ils
reflиtent les rapports de forces, les tensions et les conflits de la
sociйtй fйodale (“L’argent ard gens”) ou йvoquent des rivalitйs anciennes
entre rйgions (“Niais de Sologne qui ne se trompe qu’а son profit”). Ce
sont des proverbes mallйables. Les clercs qui les utilisent les rййlaborent
sans cesse. Ils faisaient autoritй, а cфtй de la Bible, dans les sermons.
Se sont constituйs а l’usage des prйdicateurs des recueils de proverbes :
Hic incipiunt proverbia in gallico, Principia quorundam sermonum qui
dйmontrent pratiquement comment l’on peut prendre des proverbes comme point
de dйpart de sermons. Les proverbes sont appuyйs de citations bibliques. On
ne trouve pas de recueils similaires dans d’autres pays europйens (ni en
Allemagne ni en Espagne).
– A la fin du XIIe siиcle, Mathieu de Vendфme propose une dйfinition qui
donne а cet йlйment une place essentielle : “Le proverbe est une sentence
commune а laquelle l’usage accorde foi, que l’opinion publique adopte et
qui correspond а une vйritй confirmйe”. La sentence mйmorisйe devient
proverbe : la rйpйtition, la projection dans la mйmoire du peuple la fait
passer du particulier au collectif.
– C’est au XIIIe siиcle que le mot proverbe apparaоt en France, dans les
fables de Marie de France.
– Les Distiques de Caton. Ils fournissaient au Moyen Вge en йpigraphes la
plupart des ouvrages. Au XIIIe siиcle, le recueil latin devient par le
travail de traducteurs une collection de proverbes. Jusqu’au XVIIIe siиcle,
des йditions et traductions italiennes, allemandes, hollandaises
paraissent.
– Proverbes des Sages, Diz et Proverbes des Sages philosophes. XIVe et XVe
siиcles. Ce sont des quatrains moraux. Certains ont eu un tel succиs qu’un
certain nombre d’entre eux sont passйs en proverbes et ont йtй introduits
comme tels dans les recueils populaires.
– XVe et XVIe siиcles. Les crйateurs procиdent soit par simple
juxtaposition de proverbes faisant voler leur sens en йclats (Villon,
Ballade des proverbes), soit par accumulation qui mйlange proverbes
authentiques et proverbes inventйs (Rabelais, Gargantua, XI), soit encore
par commentaires provocateurs (Montaigne et Cervantиs).
– Philippe Bйroalde, Oratio proverbium (1499) : pose l’adage comme riche
d’une sagesse qu’il faut dйvoiler et dйvelopper.
– Erasme a йtй parmi les premiers а fournir une dйfinition du proverbe, а
йtudier son apport culturel et а prйparer lui-mкme, entre 1500 et 1530, un
recueil d’adages. Il publie а partir de 1500 plusieurs volumes d’adages. Le
proverbe est pour Erasme un des moyens les plus sыrs d’йviter le langage
trivial. Fonction discriminative du proverbe qui permet de ne pas
s’exprimer comme tout le monde. Erasme saisit des fragments du langage
populaire pour mieux se dйmarquer de ce mкme langage. Nйcessitй que le
proverbe soit grec ou latin. “Parole connue qui se distingue par quelque
origine spirituellement savante”. La dйfinition l’oriente du cфtй de la
culture savante et du cфtй de l’ornement stylistique. Il n’est pas question
d’un contenu moral. Mйtaphore, allusion savante. Mais pas la comparaison :
cette derniиre est trop explicite pour servir d’ornement au discours, et
condamne une sentence comme “L’envie, comme le feu, gagne ce qui est au-
dessus d’elle”. Mйtaphore et ellipse s’y conjuguent pour leur confйrer
cette obscuritй minimale sans laquelle, pour Erasme, il n’est point
d’adage.
– Les Humanistes collectionnaient les proverbes. Ils citaient des Proverbia
rustica et des sententiae littйraires. C’est au XVIe siиcle que l’on
commence а commenter les proverbes. Les ouvrages : Henri Estienne, Projet
de livre intitulй de la Prйcellence du langage franзois (1579); Йtienne
Pasquier (1529-1615), Recherches de la France; Fleury de Bellingen,
l’Йtymologie ou explication des proverbes franзais, divisйe en trois livres
par chapitres en forme de dilaogue (1656); Antoine Oudin, Curiositйs
franзaises, pour supplйment aux dictionnaires. Recueil de plusieurs belles
propriйtйs, avec une infinitй de proverbes et quolibets, pour l’explication
de toutes sortes de livres (1640).
– Ils sont passйs de l’abus а la dйchйance sociale. Parodie de Rabelais et
de Cervantиs.
– Liйs а la rhйtorique, а l’emploi courtisan et lettrй au XVIe siиcle, ils
sont renvoyйs au “populaire” aux XVIIe et XVIIIe siиcles. Alors se
dйveloppe la maxime, l’aphorisme individuel.
– Au XVIIe siиcle, les soulиvements populaires obligent les intellectuels а
prendre parti pour ou contre leur emploi. Cйsar Oudin (1640) dans les
Curiositйs franзaises, classe les proverbes ou expressions proverbiales en
catйgories : familiиres, vulgaires, basses, triviales.
– Les proverbes sont, jusqu’а la fin du rиgne de Louis XIII, le support
d’un jeu qui fait fureur dans les salons parisiens et les collиges :
saynиtes, йnigmes dont le “mot” est un proverbe. Mais aprиs la Fronde
(1648), les proverbes deviennent la cible des intellectuels de Louis XIV.
La Fontaine, а contre-courant, admire les proverbes, en fait la trame de
ses fables et en cite quelques uns en langue vernaculaire (ex. : “le Loup,
la mиre et l’enfant”, Fables, IV, 16, s’achиve sur un proverbe picard).
Indiffйrenciйs au XVIe siиcle, le proverbe et la maxime vont dissocier
leurs destins au XVIIe siиcle. Les maximes sont dorйnavant les “proverbes
des gens d’esprit”. Le proverbe passe de mode et se trouve abandonnй а la
culture populaire, au burlesque, aux valets et aux paysans de la comйdie.
– Aux XVIIe et XVIIIe siиcles : discrйdit du proverbe, floraison de la
maxime. Adrien de Montluc donne la Comйdie de proverbes (1616), oщ il les
met en litanie pour en ridiculiser l’emploi. Vaugelas, dans ses Remarques
sur la langue franзaise (1647) proscrit le proverbe. Concurremment la
maxime fleurit.
– Au XVIIIe siиcle, en France : le proverbe dramatique = courte piиce de
thйвtre dont le titre et le mot de la fin est un proverbe laissй а la
sagacitй du spectateur. Carmontelle (1717-1806).
– Le jeu des proverbes reste а la mode jusqu’au XVIIIe siиcle (avec Collй,
Carmontelle et Berquin).
– L’йveil des nationalitйs et le romantisme vont remettre а la mode les
contes et les proverbes. Sont effectuйs en France les premiers recensements
systйmatiques. Ex. : celui de La Mйsangиre (1827) et le Livre des proverbes
franзais d’Antoine Leroux de Lincy (1840). La recherche philologique
allemande suit а partir de 1859. Edmund Stengel, Adolf Tobler. – Cette vogue produit plusieurs oeuvres originales oщ la culture populaire
semble rйgйnйrer l’art salonnier : Quitte pour la peur (1833) d’A. de Vigny
et On ne badine pas avec l’amour (1834) et Comйdies et proverbes (1840)
d’A. de Musset.
2) Origines de la devise.
Les cris de guerre mйdiйvaux permettant l’identification des combattants au
visage cachй par le heaume. Sentences accompagnant les emblиmes
hйraldiques. La mode des devises date des guerres d’Italie : imitant la
noblesse, йcrivains et imprimeurs signиrent leurs oeuvres de formules plus
ou moins emblйmatiques ou anagrammatiques, de Clйment Marot (“La mort n’y
mord”) а Maurice Scиve (“Non si non lа”). Tournй en dйrision par du Bellay
(Dйfense et Illustration de la langue franзaise, II, 11), l’usage de la
devise disparut aprиs 1565.
3) Origines de la maxime. – Chez les latins : phrase dans laquelle on dit beaucoup de choses en peu
de mots. Idйal chez les Romains : la concision. Substantifs plus que
verbes. Art de la concision. Йconomie de roches sur lesquelles on йcrivait.
Les йcrivains en crйaient. De l’йcriture au proverbe.
– Pour Quintilien, la brevitas s’oppose а la copia, elle se signale par la
densitй d’une forme qui dit beaucoup en peu de mots. Ce souci de concision,
liй а l’exigence de la clartй demeurera а toutes les йpoques la vertu
classique par excellence.
– Au Moyen Age, la doctrine des Pиres de l’Йglise est compilйe sous forme
de sentences par Anselme de Laon, Pierre Lombard, Robert de Melun, etc. La
sentence est d’essence thйologique mais elle garde son caractиre de
proposition personnelle. Le plus cйlиbres des sententiaires est Pierre
Lombard. Il a laissй un recueil de textes des Pиres dogmatiques, dans
lequel sont rassemblйs des sentences sur des problиmes trиs variйs.
– Cette mode continue au XVe siиcle, mais en franзais et sous forme de
quatrains moraux, avec Gui de Faur de Pibrac, Antoine Faure, Pierre
Matthieu. Ronsard formule de nombreuses maximes dans son poиme Sur
l’adolescence du roi trиs-chrйtien.
– La mode des maximes fait fureur dans le monde des prйcieuses. La maxime
correspond au goыt si vif du temps pour tout ce qui touche а l’analyse
psychologique.
– La maxime en tant que genre spйcifique contribuant а renouveler l’analyse
morale et psychologique n’est vйritablement apparue que dans l’entourage de
Mme de Sablй, Jacques Esprit, La Rochefoucauld. La tradition est reprise au
XVIIIe siиcle par Chamfort, Voltaire et Diderot.
Postйritй.
– Les poиmes gnomiques, qui mettent en vers des maximes.
– L’esthйtique du fragment. Frйdйric Schlegel. Les textes de l’Athenaeum.
– Les clichйs sont poursuivis depuis le romantisme. La formule clichйe n’a
de valeur que comme moyen trop facile de communion avec l’auditoire. Les
beaux esprits ne veulent pas vivre de recettes. A la condamnation
d’expressions jugйes triviales et populaires s’ajoute le refus d’une
“sagesse” perpйtuant sa loi sous forme d’une mise en fiche proverbiale du
comportement de l’individu. Le dйclin du proverbe s’est accompagnй d’un
renoncement progressif а la mйtaphore. Les proverbes attestйs plus
rйcemment dans les recueils s’йloignent du domaine concret pour йvoquer
plus littйralement et sur un mode abstrait le monde moral et affectif.
Beaucoup d’йnoncйs abstraits et moralisateurs sont attestйs dиs les
premiers manuscrits (“L’homme propose et Dieu dispose”, “Qui aime bien
chвtie bien”), mais ce qui a йtй perdu avec le temps, ou parfois avec la
modernisation syntaxique, c’est la force de la formule, sa frappe
(prosodie, rime, etc.), comme si elle jouait le mкme rфle que la mйtaphore
dans les autres йnoncйs : celui d’une griffe authentifiant le proverbe.
L’appauvrissement du fonds proverbial franзais va de pair avec la perte
d’une exigence rhйtorique, comme si dйsormais plus rien du savoir humain ne
pouvait se mettre en images ou en formules.
– Le peuple continue а crйer des proverbes, qui affleurent et se rйpandent
en pйriode de crise, lorsqu’un groupe social ou une nation opprimйe se
trouvent obligйs d’affirmer leur identitй et leur force. Ex. : ceux qui
sont apparus sur les murs de Nanterre en mai 1968 : “Mйtro, boulot, dodo”
et “Sous les pavйs la plage”.
– Les slogans, les mots d’ordre, constituent des maximes йlaborйes pour les
besoins d’une action particuliиre. Ils doivent s’imposer par leur rythme,
leur forme concise et facile а retenir, mais ils sont adaptйs aux
circonstances, doivent toujours кtre renouvelйs et ne participent pas
encore au large accord traditionnel dont jouit le proverbe. Leur rфle est
celui d’imposer, par leur forme, certaines idйes а notre attention. Les
slogans publicitaires (“Un verre зa va, trois verres, bonjour les dйgвts”).
– Les substitutions dans les proverbes pratiquйes par les surrйalistes
(Breton et Йluard). Ex. : Il faut battre sa mиre pendant qu’elle est jeune.
Travail de dйrision de la signification, de Rrose Sйlavy de Desnos aux Mots
sans mйmoire de Leiris.
– Les mйtaproverbes. Le dйtournement systйmatique d’expressions
proverbiales et de proverbes, а la fois sur le plan phonйtique et
sйmantique. Les mйtaproverbes ironisent sur les slogans publicitaires et
sur les principes de notre sociйtй. Ex. : “On a souvent besoin d’un plus
petit que soi, pour lui casser la gueule” (Pierre Pйret) ou les Proverbes
d’aujourd’hui, de Guy Bйart. – Le wellйrisme. Sam Weller, le hйros de Charles Dickens dans Monsieur
Pickwick cite des chapelets de phrases sentencieuses. Sam Weller a donnй
son nom aux wellйrismes. Dйjа attestй au IIIe siиcle avant notre иre, le
wellйrisme est la contestation parodique de la parйmie, dont il tourne en
ridicule l’argument d’autoritй. Il comporte trois sйquences : le premier
segment est soit une parйmie soit une pseudo-parйmie; le deuxiиme,
introduit par la formule “comme disait un tel”, attribue la citation а un
“hйros”, un personnage historique ou lйgendaire, et le circonstant apporte
la touche comique.
– Le genre est redйcouvert au cinйma. Ex. : Йric Rohmer qui, entre 1981 et
1988, regroupe un ensemble de six films sous le titre gйnйral Comйdies et
proverbes. Un peu de psychologie
Dans ce paragraphe je voudrais prйsenter le point de vue d’un
psychologue canadien m. Georges-Henri Arenstein.
Il arrive souvent que certaines personnes, ne sachant plus quoi dire
dans une conversation, citent un proverbe passe-partout pour meubler un
silence.
Ce recours а une phrase toute faite, extraite de la sagesse
populaire, frappe par son caractиre absolu. Et son caractиre absolu semble
surgir du simple fait que la phrase est connue de tous. Donc, croit-on,
elle doit кtre vraie.
Si le recours aux proverbes a un petit quelque chose de rassurant,
je ne peux m’empкcher de penser qu’il s’agit d’un mйcanisme de dйfense qui
empкche le vrai contact et qui empкche les ajustements crйateurs. En effet,
lorsque la phrase est dite, le silence cesse d’кtre gкnant. La personne est
mieux assise sur sa nouvelle certitude. Elle semble protйgйe maintenant par
la sagesse des nations !
Est-il besoin de dйnoncer le fait que le recours aux proverbes est
un dйrivatif stйrile qui n’apporte aucune paix durable ni aucun changement
significatif. Qui plus est, la phrase est souvent fausse ou alors comprise
dans un sens unilatйral, celui qui favorise son usager. Voici quelques
exemples entendus dans ma pratique.
Le temps arrange bien les choses. Faux. Le temps n’est pas un
personnage enchanteur qui rйpare quoi que ce soit. Qu’une situation de vie
soit agrйable ou dйsagrйable, ce n’est pas le temps qui modifie quoi que ce
soit. Ce sont les gens qui le font. Ils peuvent le faire avec l’aide du
temps (rapidement ou lentement), mais le temps, lui, ne fait rien d’autre
que passer.
Tu rйcoltes ce que tu sиmes. Faux. Ce n’est pas automatique ! Il va
pousser ce que tu sиmes, зa c’est certain ! Quant а rйcolter, encore faut-
il le vouloir. Dans la vie comme dans un champ, il ne suffit pas de semer
des bonnes choses pour rйcolter des bonnes choses ! Et les mauvaises herbes
? Et les cailloux ? Et les insectes ? Discriminer le nourrissant du toxique
est une tвche quotidienne.
Il faut aller dans son champ et cueillir ce qu’il y a а cueillir !
Ceci demande des efforts et de l’initiative et aucune rйcolte ne s’est
jamais faite automatiquement.
Une de perdue, dix de retrouvйes, dit-on au jeune homme qui a perdu
sa compagne. Faux. Cette phrase a pour fonction d’apaiser la dйtresse d’un
amoureux qui vient de se faire plaquer.
Mais croyez-vous vraiment que cette phrase va lui faire du bien ? Et
que ferait-il, de toutes faзons, avec dix femmes а ses cotйs ?
Je recommande plutфt un accueil bienveillant : “Oui, une de perdue,
c’est trиs dur. Je suis avec toi !”
Jamais deux sans trois. Faux. Superstition absurde basйe sur des
statistiques inexistantes. Deux ? Trois ? Quatre ? Les йvиnements n’ont pas
l’habitude de consulter les statistiques avant d’arriver. Ils arrivent, un
point c’est tout.
Je recommande plutфt la reconnaissance de la rйalitй : “Deux fois ?
Ah non ! Quelle malchance !”
On apprend de nos malheurs. Faux. Les malheurs comme les bonheurs
sont des occasions d’apprendre. Encore faut-il les saisir et se mettre en
marche.
“On apprend de nos malheurs” est une gйnйralisation dangereuse :
elle implique que je ne peux apprendre que de mes malheurs. Rйsultat :
l’inconscient se met а saboter nos actions pour dйclencher un ou plusieurs
malheurs afin de pouvoir, enfin, apprendre ! Ces malheurs sont d’ailleurs
anticipйs par des scйnarios de catastrophes comme : “Un malheur n’arrive
jamais seul”.
Un malheur n’arrive jamais seul. Ah non ? Ce serait le malheur qui
dйciderait de lui-mкme de se faire accompagner par un autre malheur…. pour
se sentir moins seul, sans doute ?
C’est encore une de ces phrases qui dйresponsabilise la personne qui
parle. Entendez-vous la plainte de la victime impuissante qui se cache
derriиre cette phrase ? Dans une de ses chansons, Angиle Arnault affirme :
“Paniquez pas pour rien : le pire s’en vient !”
On peut trouver d’autres phrases ou proverbes contraires а
l’йquilibre psychologique, а la logique humaine, ou а la responsabilisation
de la personne !
Proverbe – forme brиve
Le proverbe se donne, dans sa formulation brиve, elliptique et
imaginйe, comme une vйritй d’expйrience, comme un conseil de sagesse
pratique commun а tout un ensemble social. Ses principales caractйristiques
en sont d’une part son origine orale et collective : en effet, son origine
en est ignorйe ou repoussйe dans un temps archaпque quasi immйmorial et il
est transmis de « bouche en oreille », comme une rumeur, mais une rumeur
qui se serait fixйe et qui serait vraie. Cette origine intemporelle est
йgalement (la plupart du temps et sauf exception) anonyme : l’йnonciateur
en est indйterminй. Cette impersonnalitй propre а une sagesse collective se
caractйrise d’autre part par la fixitй de sa structure, un style propre,
reconnaissable, qui lui assure immйdiatement son statut de savoir
catйgorique et invariant. Cette sagesse proverbiale semble кtre une
garantie contre le temps et une rйfйrence stable et immuable par-delа les
singularitйs et les subjectivitйs. « Le proverbe est une sorte de court
poиme, souvent rimй, toujours rythmй d’une certaine maniиre, de faзon que
la mйmoire machinale ne le dйforme pas aisйment. Ainsi il se fait notre
importun compagnon. L’agitation mкme de notre esprit fait surnager le
proverbe ; nos folles pensйes ne peuvent l’entamer » (Alain, Les passions
et la sagesse).
Frйdйric Seiler, dans son йtude cйlиbre sur le proverbe, dйfinit
celui-ci comme « une locution ayant cours dans le langage populaire,
refermйe sur elle-mкme, ayant une tendance au didactisme et une forme
relevйe ». A. Jolles s’attache а la critique de cette notion de caractиre
populaire, qui est йvidemment assez embarrassante en raison de son
imprйcision mкme. Herder et l’idйologie romantique n’ont pas manquй de
rapprocher le proverbe de la poйsie populaire, du conte populaire et de
toutes ces productions issues des profondeurs mystйrieuses de l’esprit d’un
peuple (Volksgeist). « En tant que totalitй le « peuple » ne crйe rien.
Toute crйation, toute invention, toute dйcouverte procиde toujours d’une
personnalitй individuelle. Il faut nйcessairement que tout proverbe ait йtй
йnoncй un jour et quelque part. Aprиs qu’il eut plu а ceux qui
l’entendirent ils le propagиrent comme locution proverbiale et on l’a
probablement retaillй ensuite et retouchй jusqu’а ce qu’il ait une forme
pratique pour tout le monde et soit devenu ainsi un proverbe
universellement connu » (Seiler).
Ce dйbat sur l’origine et la nature du proverbe ne peut cependant
occulter plusieurs faits. D’une part cette forme locutoire a йtй
privilйgiйe, pour des raisons que nous prйciserons, de tous temps, et dans
toutes les civilisations et cultures orales. Il faut distinguer ensuite la
crйation de la locution, et le moment de son acception comme tournure
proverbiale. Des citations d’?uvres littйraires sont devenus en assez grand
nombre des proverbes (ainsi certains fables de La Fontaine). Or ce qui
caractйrise cette transformation et ce changement de statut de la locution
est le fait que celle-ci prend en quelque sorte une valeur universelle,
dйtachйe du contexte littйraire dans lequel elle a йtй crййe, ce qui permet
d’oublier sans grande consйquence le nom de son inventeur. L’acception
comme proverbe d’une locution correspond а un changement du niveau
d’apprйhension et implique que la locution soit devenue et ait йtй reconnue
bien commun а tout un groupe social. La notion de « populaire » est
beaucoup trop large ; il convient de prйciser le groupe social de
rйfйrence, car il existe des catйgories de proverbes propres а des mйtiers,
des catйgories sociales particuliиres. Le proverbe vaut comme rйsumй d’une
expйrience ayant valeur de gйnйralitй, et exprime avec couleur, image,
vivacitй et rythme une sagesse issue d’un ensemble social. La fixitй de la
structure, l’impersonnalitй de l’йnonciateur font de l’expression
proverbiale une assertion catйgorique non critique.
Les proverbes constituent la partie intйgrante de toutes les
langues. Quoique, de nos jours, ils aient perdu leur activitй historique
d’autrefois et la frйquence d’emploi, ils restent toujours dans la langue
un moyen d’expression important.
Les proverbes reflиtent l’histoire des peuples diffйrents, leur mode
de vie, leurs coutumes, leur mentalitй. L’analyse comparative des proverbes
des langues diffйrentes contribuerait а connaоtre les particularitйs
nationales des peuples, а observer l’йvolution de leurs conceptions йtiques
et esthйtiques. Elle permettrait йgalement de rйsoudre le problиme de la
genиse des proverbes, de dйcouvrir le mйcanisme de la corrйlation de la
langue et de la pensйe, de suivre l’йvolution de la pensйe philosophique et
poйtique.
Malgrй l’importance incontestable des recherches contrastives, leur
nombre reste toujours restreint. Les causes en pourraient кtre diverses
dont le statut vague et indйfini des proverbes dans la langue. Certains
linguistes leur refusent le statut de phrasйologismes et les rйduisent aux
unitйs non communicatives. D’autres rapportent l’objet d’йtudes des
proverbes au folklore.
D’autres considиrent que l’exclusion des proverbes des
phrasйologismes est injuste car ces unitйs possиdent toutes les
caractйristiques propres aux phrasйologismes. Ils fonctionnent dans la
langue comme unitйs communicatives, proposition ou partie de la
proposition. Gйnйtiquement ils remontent aux phrasйologismes qui ne font
pas partie des proverbes. La forme de leur transformation sйmantique n’est
rien d’autre que l’йlargissement situatif de leur contenu. Ayant acquis une
signification gйnйrale, les proverbes ne s’appliquent pas toutefois а une
personne, un йvйnement ou une situation concrets, mais а une classe de
situations typiques ce qui prouve que la parйmiologie constitue l’objet
d’йtude de la phrasйologie et doit кtre йtudiйe comme telle.
Littйrature
1. Olga Ozolina. Quelques aspects de la parйmiologie comparative. http://wwwling.arts.kuleuven.ac.be/sle2001/abstracts/webozolina.htm
2. Alain Montandon. Les formes brиves. Hachette, Paris, 1992
3. M. Maloux. Dictionnaire des proverbes. Larousse, 2002
4. http://www.psychomedia.qc.ca/dart6.htm